Oui,
j’en vois déjà qui se trémoussent sur leur fauteuil et d’autres dont le regard
vient brusquement de s’illuminer. Désolé, nous allons parler technique
littéraire et ce chapitre des scènes de sexe est l’un des plus difficiles à
aborder !
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définir le genre littéraire
Cela
peut faire sourire, pourtant il faut bien définir de quoi nous allons parler et
comment. Je sais, réduire le sexe à de la technique littéraire est rébarbatif,
voire ennuyeux, mais c’est pourtant un passage obligé.
-
Le genre sensuel : C’est le
plus édulcoré et le plus doux, il sied à merveille aux romances ou encore aux
auteurs peu à l’aise avec la gestion du sexe dans un récit. Les mots sont
souvent métaphoriques, beaucoup d’allusions, aucun détail et l’émotion suscitée
au lecteur reste donc neutre et inexistante. Normal, ce n’est pas le but
recherché.
-
Le genre érotique : celui dont
je vous parlerai plus facilement pour l’utiliser très régulièrement. En
érotisme, on dit les choses, on décrit les scènes, on explique la jouissance
mais il ne doit y avoir aucune vulgarité, les mots sont choisis avec soin.
L’émotion provoquée chez le lecteur peut ainsi devenir vraiment concrète et
puissante. Vous devez communiquer l’envie, le désir, à votre lecteur.
-
Le genre pornographique :
Est-il vraiment utile de l’expliquer ? Quoi qu’il en soit, si le genre
reste respectable, il n’a rien à faire dans un récit autre qu’appartenant à ce
registre. Mettre du porno dans votre thriller le condamnera au placard !
Les mots sont crus à vulgaires, les détails sont prononcés, voire maximisés et
l’émotion peut devenir très forte pour les amateurs du genre.
■
Est-ce vraiment utile d’insérer des
scènes de sexe dans un récit ?
Bien sûr que oui...
si cela est nécessaire, si vous êtes à l’aise, si l’action dans votre intrigue
nécessite l’apport d’une scène de sexe ! Le sexe fait partie de la vie, ne
l’oubliez pas.
Bien sûr que non...
s’il n’y a aucun besoin de sexe dans votre intrigue, si vous n’êtes pas à l’aise
avec ce genre de technique. Personne ne vous oblige à décrire une nuit de folie
dans votre polar !
Je
vous ai fait une réponse de normand car, finalement, une scène de sexe peut
survenir dans n’importe quelle fiction, quel que soit son genre, si vous en
avez besoin et a contrario, vous pourrez vous en passer totalement. Il n’y a
pas de règle si ce n’est celle de votre récit qui vous imposera ou non une
scène de sexe. Point.
Mais
n’oubliez pas que votre lecteur n’est pas dupe. Si l’héroïne soulève la couette
et invite le beau brun dans son lit, il sait parfaitement ce qui va s’y passer.
Nous verrons plus loin comment traiter la scénique mais d’un autre côté,
n’oubliez pas qu’un lecteur peut aussi être frustré parce que vous n’aurez pas
été assez loin dans la narration de l’acte. Vous restez le seul maître à bord,
mais votre roman est destiné à un lectorat, ne l’oubliez pas non plus trop
vite. Le sexe peut être un apport positif s’il est bien mené et surtout
parfaitement intégré.
■
Nouvelle et roman, même combat ?
Si
vous écrivez une nouvelle érotique, la réponse se trouve dans l’intitulé même.
Par
contre, une nouvelle d’un autre genre littéraire aura du mal à supporter une
scène de sexe, sauf si l’intrigue tourne autour et encore ! Je vous
conseillerai de faire bref, peu détaillé et de verser plus dans le sensuel
qu’autre chose. Une nouvelle est par définition un texte court et percutant.
Vous n’avez pas de temps à perdre dans les détails, même et surtout pour le
côté sexe de l’intrigue.
Dans
un roman, quel qu’en soit le genre, vous pouvez tenter deux approches et en
proscrire totalement une. Vous écrivez un thriller, glisser du sensuel ou de
l’érotisme ne blessera personne, au contraire, cela apportera un petit plus non
négligeable.
■
Quel genre de sexe pour quel domaine
littéraire ?
-
Tous les domaines littéraires : genre sensuel ou
érotisme, selon vos aptitudes ou vos goûts.
À
l’exception de :
-
Romance : Favoriser le sensuel.
-
Pornographie : Choisir
évidemment le pornographique et bannir le sensuel.
■
Peut-on tout dire dans une scène de
sexe ?
Le
débat est vaste et loin de moi l’idée de vous faire un cours d’éducation
sexuelle. Il y a des centaines de déviances connues et dûment répertoriées par
les experts psychiatres. Cela dit, ramenons le débat à trois axes principaux.
Le héros ou l’héroïne de votre polar peut tout à fait être hétérosexuel,
bisexuel ou homosexuel. N’en déplaise à certains, il n’y a là rien de
particulier et les scènes de sexe sont complètement ouvertes. Il s’agit
d’orientation sexuelle et sans faire de débat, quelle que sera l’option
choisie, il n’y aura rien de choquant. Tout dépend de vous, de vos goûts et de
vos choix de vie.
Par
contre, attention à certaines déviances qui peuvent choquer votre lecteur. Dans
un thriller cela peut devenir intéressant, certes, mais pensez à avertir vos
lecteurs, de toute manière l’éditeur le fera pour vous. Un tueur en série peut
apprécier tuer, puis violer, et enfin dépecer sa victime pour se nourrir de son
cadavre. Nous ne sommes plus dans la gestion d’une scène de sexe mais bien dans
votre intrigue et la gestion d’un acte épouvantable !
Pour
faire simple, bannissez la violence dans vos scènes de sexe ou les déviances
trop orientées, d’autant plus si votre récit n’est pas une fiction érotique.
■
Attention au point de vue !
Ce
conseil est valable non seulement pour une scène de sexe comme pour l’ensemble
de votre texte. C’est une calamité dans laquelle je suis souvent tombé à mes
débuts, pensant bien faire ! Pour vous faire comprendre cet
incontournable, l’exemple me semble la meilleure des solutions.
-
Version 1
Elle était sur lui et le dévorait
des yeux. Après un premier baiser où leurs langues se jouèrent l’une de
l’autre, il eut envie d’elle et son érection devint impérieuse. Il voulait lui
faire l’amour et rêvait d’une fellation. Elle le vit dans ses yeux et descendit
doucement vers son bas-ventre puis elle gémit quand sa bouche prit possession
de son sexe. Il s’abandonna à sa caresse experte, subissant sa volonté avec un
bonheur qui se traduisit en râles de plaisir.
-
Version 2
Elle était sur lui et le dévorait
des yeux. Après un premier baiser où leurs langues se jouèrent l’une de
l’autre, elle sentit son désir se manifester par une érection grandissante contre
sa peau. Elle devina l’envie dans son regard et descendit doucement vers son
bas-ventre puis gémit quand sa bouche prit possession de son sexe. Il s’abandonna
complètement et elle perçut son bonheur en entendant ses râles de plaisir qui
s’ajoutèrent aux siens.
Les
deux scènes sont absolument identiques, mais la version 2 ne traite la scène
que d’un seul point de vue, celui de la femme, et rend cohérent l’ensemble.
Plus simple, plus fluide, plus cohérente, c’est la seule solution et n’oubliez
pas que cela s’applique à tout votre récit ! Sexe ou pas, le point de vue
est primordial.
■
Comment rendre une scène de sexe
cohérente ?
Elle
doit s’intégrer dans votre récit et ne pas faire tache. Si votre héros est un
tombeur qui drague en permanence, couche avec de multiples partenaires, il faut
que cela reste cohérent et le sujet doit revenir régulièrement tout au long de
votre texte. Vous n’êtes pas obligé de décrire à chaque fois ce qui se déroule
dans le lit - ou ailleurs - mais la
cohérence est de maintenir une ou plusieurs caractéristiques en permanence sans
jamais s’en écarter.
Nous
avons examiné le point de vue au chapitre précédent, il en est de même pour la
fréquence ou votre façon de décrire les choses. C’est ainsi que les scènes de
sexe pourront s’intégrer dans votre fiction sans heurter ou se faire remarquer.
Pour
clore le chapitre de la cohérence, il y a un aspect essentiel que nous
aborderons au chapitre suivant.
■
Quel vocabulaire utiliser dans une scène
de sexe ?
Généralement,
c’est sur ce point que le bât blesse et que de nombreux écueils surviennent.
Pour commencer, dans l’aspect des dialogues comme pour la narration scénique,
si votre personnage est une nymphomane, vulgaire et outrancière, n’hésitez pas.
À l’opposé, si c’est une vierge effarouchée, une première fois ou si elle est
très romantique, adaptez votre vocabulaire. Dans les deux hypothèses, maintenez
le style choisi d’un bout à l’autre de votre roman afin qu’il demeure cohérent
sinon, vous courez à la rupture de registre.
Maintenant,
il faut décrypter un peu les genres... Pour parler de sexe, on trouve quatre
branches essentielles dans le vocabulaire. Le neutre, le médical ou anatomique,
le vulgaire et le métaphorique. Un bon conseil, restez dans le neutre !
Pour illustrer mon propos, voici comment parler du sexe masculin dans l’ordre
de ces quatre genres précités :
-
Le sexe, le pénis, la queue et la virilité.
Le
premier et à la rigueur, le dernier, vous seront utiles dans toutes les
situations et dans tous les domaines littéraires.
Dans
le même souci de cohérence de l’ensemble, la nymphomane déjà évoquée supra utilisera
un vocabulaire certainement plus fleuri, très direct et qui devra
impérativement correspondre à son image sulfureuse. Si cela vous gêne, alors
modifiez le caractère et la psychologie de votre personnage.
■
Quel est le bon style narratif d’une
scène de sexe ?
Je
vais l’illustrer par l’exemple, mais gardez à l’esprit qu’il ne doit pas entrer
dans les détails, faire comprendre l’émotion ressentie ET suscitée à l’autre
par ses réactions (point de vue),
enfin, il ne doit pas ressembler à une description médicale et scientifique de
l’acte. Derrière le sexe, même s’il n’est mû que par la passion, il y a toujours
des sentiments humains et bien souvent de l’amour.
-
Version 1
Il déboutonna son corsage, dégrafa
son soutien-gorge rouge et libéra ses seins. Admiratif, il contempla sa
poitrine, avant de prendre et d’agacer un téton. Il se pencha et l’embrassa.
Gémissante, elle prit sa main et la guida vers son bas-ventre. Il découvrit une
fine toison avant de glisser un doigt sur son sexe...
-
Version 2
Lentement il la déshabilla et ôta
ses sous-vêtements. Son souffle court témoignait de son désir et tout en
caressant ses seins, il l’embrassa à en perdre haleine. Son râle de plaisir et
les frissons qu’il devinait sur sa peau l’autorisèrent à s’enhardir. Doucement,
il s’empara d’un téton qu’il fit rouler entre ses doigts, la faisant gémir plus
fort puis sa main descendit plus bas et glissa sur son sexe...
Deux
scènes identiques et pourtant écrites dans des registres opposés. Dans la
seconde, on laisse plus de place à l’émotion et au ressenti. Grâce à cette
façon de faire, vous pourrez décrire n’importe quelle scène de sexe, même à trois,
même la plus folle, sans risquer de tomber dans le vulgaire ou le
rédhibitoire !
■
En conclusion, sexe ou... pas
sexe ?!
Vous
avez maintenant quelques éléments pour pouvoir répondre vous-même à votre
propre question. N’oubliez pas que si vous ne le sentez pas, si vous êtes peu à
l’aise avec ce genre de scénographie, mieux vaut passer votre chemin et votre
polar n’y perdra ni intérêt ni saveur. Si vous voulez vous y risquer, faites-le
mais en toute connaissance de cause et sans tomber dans des excès qui seront
criminels pour votre récit.
La
littérature érotique est très certainement l’un des domaines des plus
difficiles qui soit et bien peu s’y font remarquer. Car finalement, le sexe, quoi
qu’on en dise, quoi qu’il puisse s’y passer, c’est toujours du sexe. Encore
faut-il savoir bâtir un scénario crédible, une histoire sensée et logique pour
envelopper cette littérature licencieuse d’un joli papier cadeau à l’aspect
irréprochable.
Alors,
sexe ou pas sexe ? Eh bien... comme vous voudrez !
Très
belle journée !
Amitiés
littéraires.
très inttèrésant et intructif !
RépondreSupprimermerci !
amitiées
lola