mardi 17 juin 2014

Gérer le sexe dans un roman !



Oui, j’en vois déjà qui se trémoussent sur leur fauteuil et d’autres dont le regard vient brusquement de s’illuminer. Désolé, nous allons parler technique littéraire et ce chapitre des scènes de sexe est l’un des plus difficiles à aborder !


définir le genre littéraire
Cela peut faire sourire, pourtant il faut bien définir de quoi nous allons parler et comment. Je sais, réduire le sexe à de la technique littéraire est rébarbatif, voire ennuyeux, mais c’est pourtant un passage obligé.
- Le genre sensuel : C’est le plus édulcoré et le plus doux, il sied à merveille aux romances ou encore aux auteurs peu à l’aise avec la gestion du sexe dans un récit. Les mots sont souvent métaphoriques, beaucoup d’allusions, aucun détail et l’émotion suscitée au lecteur reste donc neutre et inexistante. Normal, ce n’est pas le but recherché.
- Le genre érotique : celui dont je vous parlerai plus facilement pour l’utiliser très régulièrement. En érotisme, on dit les choses, on décrit les scènes, on explique la jouissance mais il ne doit y avoir aucune vulgarité, les mots sont choisis avec soin. L’émotion provoquée chez le lecteur peut ainsi devenir vraiment concrète et puissante. Vous devez communiquer l’envie, le désir, à votre lecteur.
- Le genre pornographique : Est-il vraiment utile de l’expliquer ? Quoi qu’il en soit, si le genre reste respectable, il n’a rien à faire dans un récit autre qu’appartenant à ce registre. Mettre du porno dans votre thriller le condamnera au placard ! Les mots sont crus à vulgaires, les détails sont prononcés, voire maximisés et l’émotion peut devenir très forte pour les amateurs du genre.

Est-ce vraiment utile d’insérer des scènes de sexe dans un récit ?
Bien sûr que oui... si cela est nécessaire, si vous êtes à l’aise, si l’action dans votre intrigue nécessite l’apport d’une scène de sexe ! Le sexe fait partie de la vie, ne l’oubliez pas.
Bien sûr que non... s’il n’y a aucun besoin de sexe dans votre intrigue, si vous n’êtes pas à l’aise avec ce genre de technique. Personne ne vous oblige à décrire une nuit de folie dans votre polar !
Je vous ai fait une réponse de normand car, finalement, une scène de sexe peut survenir dans n’importe quelle fiction, quel que soit son genre, si vous en avez besoin et a contrario, vous pourrez vous en passer totalement. Il n’y a pas de règle si ce n’est celle de votre récit qui vous imposera ou non une scène de sexe. Point.
Mais n’oubliez pas que votre lecteur n’est pas dupe. Si l’héroïne soulève la couette et invite le beau brun dans son lit, il sait parfaitement ce qui va s’y passer. Nous verrons plus loin comment traiter la scénique mais d’un autre côté, n’oubliez pas qu’un lecteur peut aussi être frustré parce que vous n’aurez pas été assez loin dans la narration de l’acte. Vous restez le seul maître à bord, mais votre roman est destiné à un lectorat, ne l’oubliez pas non plus trop vite. Le sexe peut être un apport positif s’il est bien mené et surtout parfaitement intégré.

Nouvelle et roman, même combat ?
Si vous écrivez une nouvelle érotique, la réponse se trouve dans l’intitulé même.
Par contre, une nouvelle d’un autre genre littéraire aura du mal à supporter une scène de sexe, sauf si l’intrigue tourne autour et encore ! Je vous conseillerai de faire bref, peu détaillé et de verser plus dans le sensuel qu’autre chose. Une nouvelle est par définition un texte court et percutant. Vous n’avez pas de temps à perdre dans les détails, même et surtout pour le côté sexe de l’intrigue.
Dans un roman, quel qu’en soit le genre, vous pouvez tenter deux approches et en proscrire totalement une. Vous écrivez un thriller, glisser du sensuel ou de l’érotisme ne blessera personne, au contraire, cela apportera un petit plus non négligeable.

Quel genre de sexe pour quel domaine littéraire ?
- Tous les domaines littéraires : genre sensuel ou érotisme, selon vos aptitudes ou vos goûts.
À l’exception de :
- Romance : Favoriser le sensuel.
- Pornographie : Choisir évidemment le pornographique et bannir le sensuel.

Peut-on tout dire dans une scène de sexe ?
Le débat est vaste et loin de moi l’idée de vous faire un cours d’éducation sexuelle. Il y a des centaines de déviances connues et dûment répertoriées par les experts psychiatres. Cela dit, ramenons le débat à trois axes principaux. Le héros ou l’héroïne de votre polar peut tout à fait être hétérosexuel, bisexuel ou homosexuel. N’en déplaise à certains, il n’y a là rien de particulier et les scènes de sexe sont complètement ouvertes. Il s’agit d’orientation sexuelle et sans faire de débat, quelle que sera l’option choisie, il n’y aura rien de choquant. Tout dépend de vous, de vos goûts et de vos choix de vie.
Par contre, attention à certaines déviances qui peuvent choquer votre lecteur. Dans un thriller cela peut devenir intéressant, certes, mais pensez à avertir vos lecteurs, de toute manière l’éditeur le fera pour vous. Un tueur en série peut apprécier tuer, puis violer, et enfin dépecer sa victime pour se nourrir de son cadavre. Nous ne sommes plus dans la gestion d’une scène de sexe mais bien dans votre intrigue et la gestion d’un acte épouvantable !
Pour faire simple, bannissez la violence dans vos scènes de sexe ou les déviances trop orientées, d’autant plus si votre récit n’est pas une fiction érotique.

Attention au point de vue !
Ce conseil est valable non seulement pour une scène de sexe comme pour l’ensemble de votre texte. C’est une calamité dans laquelle je suis souvent tombé à mes débuts, pensant bien faire ! Pour vous faire comprendre cet incontournable, l’exemple me semble la meilleure des solutions.

- Version 1
Elle était sur lui et le dévorait des yeux. Après un premier baiser où leurs langues se jouèrent l’une de l’autre, il eut envie d’elle et son érection devint impérieuse. Il voulait lui faire l’amour et rêvait d’une fellation. Elle le vit dans ses yeux et descendit doucement vers son bas-ventre puis elle gémit quand sa bouche prit possession de son sexe. Il s’abandonna à sa caresse experte, subissant sa volonté avec un bonheur qui se traduisit en râles de plaisir.

- Version 2
Elle était sur lui et le dévorait des yeux. Après un premier baiser où leurs langues se jouèrent l’une de l’autre, elle sentit son désir se manifester par une érection grandissante contre sa peau. Elle devina l’envie dans son regard et descendit doucement vers son bas-ventre puis gémit quand sa bouche prit possession de son sexe. Il s’abandonna complètement et elle perçut son bonheur en entendant ses râles de plaisir qui s’ajoutèrent aux siens.

Les deux scènes sont absolument identiques, mais la version 2 ne traite la scène que d’un seul point de vue, celui de la femme, et rend cohérent l’ensemble. Plus simple, plus fluide, plus cohérente, c’est la seule solution et n’oubliez pas que cela s’applique à tout votre récit ! Sexe ou pas, le point de vue est primordial.

Comment rendre une scène de sexe cohérente ?
Elle doit s’intégrer dans votre récit et ne pas faire tache. Si votre héros est un tombeur qui drague en permanence, couche avec de multiples partenaires, il faut que cela reste cohérent et le sujet doit revenir régulièrement tout au long de votre texte. Vous n’êtes pas obligé de décrire à chaque fois ce qui se déroule dans le lit - ou ailleurs - mais la cohérence est de maintenir une ou plusieurs caractéristiques en permanence sans jamais s’en écarter.
Nous avons examiné le point de vue au chapitre précédent, il en est de même pour la fréquence ou votre façon de décrire les choses. C’est ainsi que les scènes de sexe pourront s’intégrer dans votre fiction sans heurter ou se faire remarquer.
Pour clore le chapitre de la cohérence, il y a un aspect essentiel que nous aborderons au chapitre suivant.

Quel vocabulaire utiliser dans une scène de sexe ?
Généralement, c’est sur ce point que le bât blesse et que de nombreux écueils surviennent. Pour commencer, dans l’aspect des dialogues comme pour la narration scénique, si votre personnage est une nymphomane, vulgaire et outrancière, n’hésitez pas. À l’opposé, si c’est une vierge effarouchée, une première fois ou si elle est très romantique, adaptez votre vocabulaire. Dans les deux hypothèses, maintenez le style choisi d’un bout à l’autre de votre roman afin qu’il demeure cohérent sinon, vous courez à la rupture de registre.
Maintenant, il faut décrypter un peu les genres... Pour parler de sexe, on trouve quatre branches essentielles dans le vocabulaire. Le neutre, le médical ou anatomique, le vulgaire et le métaphorique. Un bon conseil, restez dans le neutre ! Pour illustrer mon propos, voici comment parler du sexe masculin dans l’ordre de ces quatre genres précités :
- Le sexe, le pénis, la queue et la virilité.
Le premier et à la rigueur, le dernier, vous seront utiles dans toutes les situations et dans tous les domaines littéraires.
Dans le même souci de cohérence de l’ensemble, la nymphomane déjà évoquée supra utilisera un vocabulaire certainement plus fleuri, très direct et qui devra impérativement correspondre à son image sulfureuse. Si cela vous gêne, alors modifiez le caractère et la psychologie de votre personnage.

Quel est le bon style narratif d’une scène de sexe ?
Je vais l’illustrer par l’exemple, mais gardez à l’esprit qu’il ne doit pas entrer dans les détails, faire comprendre l’émotion ressentie ET suscitée à l’autre par ses réactions (point de vue), enfin, il ne doit pas ressembler à une description médicale et scientifique de l’acte. Derrière le sexe, même s’il n’est mû que par la passion, il y a toujours des sentiments humains et bien souvent de l’amour.

- Version 1
Il déboutonna son corsage, dégrafa son soutien-gorge rouge et libéra ses seins. Admiratif, il contempla sa poitrine, avant de prendre et d’agacer un téton. Il se pencha et l’embrassa. Gémissante, elle prit sa main et la guida vers son bas-ventre. Il découvrit une fine toison avant de glisser un doigt sur son sexe...

- Version 2
Lentement il la déshabilla et ôta ses sous-vêtements. Son souffle court témoignait de son désir et tout en caressant ses seins, il l’embrassa à en perdre haleine. Son râle de plaisir et les frissons qu’il devinait sur sa peau l’autorisèrent à s’enhardir. Doucement, il s’empara d’un téton qu’il fit rouler entre ses doigts, la faisant gémir plus fort puis sa main descendit plus bas et glissa sur son sexe...

Deux scènes identiques et pourtant écrites dans des registres opposés. Dans la seconde, on laisse plus de place à l’émotion et au ressenti. Grâce à cette façon de faire, vous pourrez décrire n’importe quelle scène de sexe, même à trois, même la plus folle, sans risquer de tomber dans le vulgaire ou le rédhibitoire !

En conclusion, sexe ou... pas sexe ?!
Vous avez maintenant quelques éléments pour pouvoir répondre vous-même à votre propre question. N’oubliez pas que si vous ne le sentez pas, si vous êtes peu à l’aise avec ce genre de scénographie, mieux vaut passer votre chemin et votre polar n’y perdra ni intérêt ni saveur. Si vous voulez vous y risquer, faites-le mais en toute connaissance de cause et sans tomber dans des excès qui seront criminels pour votre récit.
La littérature érotique est très certainement l’un des domaines des plus difficiles qui soit et bien peu s’y font remarquer. Car finalement, le sexe, quoi qu’on en dise, quoi qu’il puisse s’y passer, c’est toujours du sexe. Encore faut-il savoir bâtir un scénario crédible, une histoire sensée et logique pour envelopper cette littérature licencieuse d’un joli papier cadeau à l’aspect irréprochable.
Alors, sexe ou pas sexe ? Eh bien... comme vous voudrez !

Très belle journée !
Amitiés littéraires.

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