S’il y a un sujet épineux qui concerne notre métier d’écrivain,
c’est bien celui de la Propriété Intellectuelle et tout ce qui en découle, à
savoir, les droits d’auteur, les contrats d’édition… Pour des raisons professionnelles,
j’ai eu la chance de rencontrer un avocat qui est docteur en droit de la
Propriété Intellectuelle. Je vous propose de découvrir le portrait de Mickaël
Le Borloch, une sommité dans son domaine et, ce qui ne gâche rien, un homme
avenant et ouvert au dialogue. Suivez le guide !
■ Pourquoi parler d’un avocat, docteur en droit de la Propriété
Intellectuelle ?
Si
vous êtes auteur à titre professionnel, si vous écrivez depuis longtemps et si,
enfin, vous êtes publié à compte d’éditeur, c’est une question que vous ne vous
poserez pas. Je vais d’ailleurs prendre mon exemple pour l’expliquer aux jeunes
auteurs qui me suivent sur ce blog.
Quand
j’ai commencé à écrire, en 2011, je cherchais à me faire publier à tout prix et
je l’avoue sans honte, n’y connaissant rien, j’ai signé n’importe quoi pour le
plaisir de voir un livre être édité avec mon nom sur la couverture. Les chemins
qui mènent à l’édition sont pavés d’autant de bons romans que de mauvais
choix ! Combien de fois ai-je dû me battre pour récupérer mes droits, pour
faire entendre ma voix auprès d’éditeurs peu scrupuleux ? Croyez-moi, ça
n’a pas été facile.
Avec
l’expérience, j’ai appris, j’ai progressé et même si je reste très vigilant, je
ne suis toujours pas à l’abri d’une erreur. C’est pourquoi j’ai invité Mickaël
à répondre à une interview et il a bien voulu se prêter au jeu. Que vous soyez
débutant ou auteur confirmé, éditeur, agent littéraire, etc. je pense que ces
informations vous seront utiles. Bonne lecture !
(Ndla :
Pour les auteurs débutants, qui ne me connaissent pas encore, vous trouverez
sur ce blog une page Conseils et une page Mes éditeurs. Je ne
saurai trop vous conseiller de les lire attentivement. La première vous aidera
dans vos démarches et vous évitera de commettre les mêmes erreurs que moi. Dans
la seconde, vous découvrirez quatre maisons d’édition sérieuses et dignes de confiance
auprès desquelles vous pourrez déposer vos manuscrits.)
*
* *
Passons
maintenant à l’interview proprement dite. Elle se déclinera en plusieurs
parties qui vous permettront de mieux faire connaissance avec Mickaël Le
Borloch, son métier et de bénéficier de quelques conseils judicieux, très utiles
à notre profession d’auteur.
*
MICKAËL
LE BORLOCH
1
- Pourriez-vous nous expliquer qui vous êtes, d’où vous venez, vos loisirs, vos
passions… dans un aspect personnel, pour commencer ?
J’ai
grandi à Rouen et j’y ai vécu jusqu’à la 2e année d’études
universitaires (je faisais un double cursus droit – anglais) et je suis parti
vivre à Rome pendant un an, en Erasmus. À mon retour en France je suis parti à
Paris étudier à La Sorbonne où j’ai écrit ma thèse en propriété intellectuelle.
J’ai eu l’occasion de partir aux États-Unis pour en écrire une partie, suivre
des cours de master et effectuer un stage en cabinet d’avocats.
En
effet, j’adore voyager, découvrir de nouvelles choses et faire des rencontres. En
Californie, j’ai beaucoup aimé surfer, j’ai appris à cuisiner en Italie, j’ai
toujours aimé nager, le squash, le cinéma, la littérature et déambuler dans des
expositions ou sur des sites archéologiques, comme les vieux châteaux.
Après
une grosse semaine au cabinet et en cours, rien de mieux qu’une soirée entre
amis ou en famille autour d’un bon repas ou une soirée théâtre.
2
- Êtes-vous lecteur ? Si oui, quels sont vos genres littéraires préférés ?
J’essaye
de garder du temps pour lire. Après avoir foulé les planches pendant des années
je reste un grand fan de théâtre. J’adore lire des pièces et endosser le rôle
de metteur en scène. J’ai toujours un roman sur ma table de chevet (je lis
Rabelais et Hemingway en ce moment).
*
L’AVOCAT
3
- Pourquoi avez-vous choisi la spécialisation en droit de la propriété
intellectuelle ? Des nouvelles technologies ? Des affaires ?
À
la sortie du lycée, le droit m’a intéressé, mais j’avais peur de perdre de vue le
monde de la culture. J’ai donc choisi de m’orienter vers le droit de la
propriété intellectuelle qui me permettait de travailler avec des écrivains,
des artistes, des traducteurs, etc.
Étant
curieux, les nouvelles technologies m’ont toujours intéressé et c’est une
matière qui se marie harmonieusement avec la propriété intellectuelle. C’est
particulièrement stimulant, car il faut faire preuve de créativité et d’une
connaissance transversale du droit pour appliquer des concepts anciens à des
technologies nouvelles.
Enfin
le droit des affaires complète logiquement ces deux branches et permet
d’accompagner des sociétés dans leurs projets. Il n’y a rien de plus beau que
le regard d’une personne qui réalise son projet grâce à mon intervention.
4
- Quel est votre cursus universitaire ?
J’ai
passé un baccalauréat littéraire avec mention européenne anglais à Rouen. En entrant
à l’Université, j’ai décidé de suivre un double cursus droit et anglais. En
troisième année, je suis parti en Erasmus à Rome afin d’apprendre une autre
langue. Je suis revenu avec une excellente maîtrise de l’italien. J’ai validé
ma troisième année de droit à Rome et ma troisième année d’anglais en France.
J’ai
suivi mon master à La Sorbonne (Paris I) où je me suis spécialisé en droit anglais
et nord-américain des affaires. J’y ai rencontré Pierre Sirinelli qui est
devenu mon directeur de thèse, laquelle a porté sur l’application du droit
d’auteur aux hyperliens en droit français, européen et américain. J’ai donc eu
l’occasion de me rendre deux fois à l’Université Columbia de New-York en
qualité de visiting scholar grâce à une bourse Fullbright que
j’ai gagnée. Après ma thèse, j’ai suivi un master de droit des affaires
américain (LLM) à la University of Southern California de Los Angeles et
j’ai effectué un stage en cabinet d’avocat. En parallèle de ma thèse et du
master, j’ai continué à donner des cours à La Sorbonne (droit des contrats,
responsabilité civile, droit de la communication et du marketing, droit des
affaires etc.) et à diriger des mémoires à l’Université Paris Saclay en
propriété intellectuelle et droit des nouvelles technologies. À mon retour à
Rouen, j’ai prêté serment et suis devenu avocat.
5
- Quelles sont les affaires que vous plaidez le plus ?
La
majorité de mes plaidoiries est en droit pénal. J’ai régulièrement des
histoires de stupéfiants, de violence, etc… Néanmoins la majorité de l’activité
du cabinet est orientée vers la propriété intellectuelle et les nouvelles
technologies. Cependant, la plupart des différends se solde non pas par un
procès, mais par des protocoles transactionnels entre les parties. J’ai tout de
même plusieurs dossiers qui finiront devant le Juge.
6
- Vous appartenez au Barreau de Rouen, est-ce que des auteurs, des éditeurs,
des agents littéraires demeurant loin de notre région pourraient vous
contacter, le besoin échéant ?
Oui,
un avocat peut conseiller un client partout en France et dans le monde. À ce
titre, j’ai des clients qui ne vivent pas en Europe et que je conseille à
distance. En cas de contentieux devant le Tribunal de Grande Instance (qui
deviendra le Tribunal Judiciaire, le 1er janvier 2020), il sera
nécessaire de saisir un postulant si je dois plaider devant un Tribunal ne
relevant pas de la compétence de la Cour d’Appel de Rouen.
7
- Pourriez-vous nous donner une anecdote amusante sur votre métier et/ou l’une
de vos affaires, sous couvert d’anonymat, bien entendu ?
En
hospitalisation sous contrainte…
Je
devais plaider afin que la cliente puisse sortir de l’hôpital psychiatrique,
car elle ne représentait pas un danger pour elle-même ou pour les tiers.
Pendant l’audience elle a commencé à chanter et après avoir entendu deux mots
de ma plaidoirie, elle a hurlé « Objection, votre honneur ! ».
Le juge lui a expliqué qu’elle avait regardé trop de séries américaines et que
cela n’existe pas en droit français. Autant vous dire que le magistrat ne lui a
pas permis de sortir !
*
QUELQUES
CONSEILS
Sans
rentrer dans des détails trop précis ou fastidieux, pourriez-vous donner
quelques conseils à mes collègues auteurs en début de carrière, afin d’éviter
des erreurs, parfois lourdes de conséquences ? À vous de choisir vos
thèmes.
Conseils
sur la preuve de vos droits
Vos
droits d’auteur sont protégés dès la création. Cependant, derrière ce principe
somme toute très théorique, il est nécessaire que les auteurs se constituent
des preuves de leur création. Concrètement, il est possible de s’envoyer par
recommandé avec accusé de réception une copie de sa création. Une autre
possibilité – plus coûteuse, mais plus sécurisante – constitue à déposer son
œuvre chez un notaire. Vous pouvez également déposer votre œuvre auprès d’une
société d’auteurs (ex. SACD ou SGDL). Enfin une solution classique consiste à
recourir à une enveloppe Soleau.
Conseils
sur le contrat
En
tant qu’auteur, le contrat est interprété en votre faveur, certes, mais s’il
s’agit là de votre principal argument, la suite de la collaboration avec la maison
d’édition sera compliquée. Faites attention à toute clause que vous trouveriez
peu claire et demandez des explications par écrit. En principe, la maison
d’édition supporte le risque de la publication. Cependant, certaines vous
demandent de participer aux frais. Soyez attentifs dans votre choix, car il n’y
a pas de solution unique pour tous, c’est à vous de déterminer, au cas par cas,
si cela est pertinent.
Conseils
sur la reddition des comptes
L’éditeur
est tenu de vous envoyer une reddition des comptes au plus tard 6 mois après la
fin de l’année civile, soit le 30 juin de l’année suivant l’exercice concerné.
Le contrat peut prévoir d’autres dates. L’absence d’envoi de la reddition des
comptes constitue une faute grave. Si vous ne recevez pas la reddition des
comptes, vous êtes libre d’envoyer une lettre recommandée avec accusé de
réception sommant l’éditeur de vous la fournir. L’absence de communication de
la reddition des comptes pourra justifier la résolution du contrat. Vous
retrouverez vos droits et serez ainsi en mesure de négocier avec une autre
maison d’édition.
*
TRIBUNE
LIBRE
Quelques
rappels en matière de droit d’auteur :
■
L’œuvre est protégée dès sa création (aucune obligation d’enregistrement en
droit français).
■
Pour des questions de preuve il est préférable de s’envoyer son œuvre par
recommandé, de recourir à une enveloppe Soleau ou de faire enregistrer son
œuvre.
■
Les droits moraux (notamment le droit de paternité et le droit à l’intégrité de
l’œuvre) ne peuvent être cédés : personne ne peut violer vos droits à la
paternité ni votre droit à l’intégrité.
■
Dans vos contrats, vous pouvez demander des seuils variables en fonction de la
réussite de l’ouvrage : plus il y a de ventes, plus votre pourcentage de royalties
peut augmenter.
■
Au cours de la négociation, n’hésitez pas à demander des clarifications sur le
contenu du contrat proposé et à rappeler vos droits à la maison d’édition.
■
Dès lors qu’un différend intervient avec une maison d’édition, n’oubliez pas de
conserver des traces écrites (emails, courriers, fax) afin de vous constituer
des preuves.
*
MINI
PORTRAIT CHINOIS & LITTÉRAIRE
Si vous étiez un livre ?
Je
suis avocat alors je dirais Le procès de Kafka.
Si vous étiez un auteur ?
Victor
Hugo, car il savait aussi bien manier les lettres que s’impliquer en politique…
et en plus il fait partie des auteurs qui ont lutté pour le développement de la
protection des auteurs !
Si vous pouviez réaliser votre plus
grand rêve de lecteur, quel serait-il ?
Accompagner
Dante dans sa découverte de l’enfer, du purgatoire et du paradis.
Si vous étiez le héros d’un roman,
quel serait-il ?
Le
héros du roman On The Road, de Jack Kerouac. C’est un personnage
typique de la beat generation, épris de liberté, critique de la société
sans en être dégouté, un hédoniste qui m’a fait rêver en découvrant l’Ouest
américain.
*
CONCLUSION
Pour
conclure ce billet, je reprends la parole. J’espère que cette rencontre vous
aura permis de découvrir un homme sympathique exerçant une profession ô combien
difficile, peu connue et des plus complexes. Je vous souhaite de n’avoir jamais
besoin de ses services, car cela signifierait que vous subissez un différend et
que vous avez besoin de son soutien. Sachez aussi qu’il sera de bon conseil en
cas de problèmes inhérents à notre profession d’auteur. En attendant, parce que
je le connais personnellement, je vous précise que c’est un avocat spécialisé
que je recommande vivement, non seulement pour son grand professionnalisme,
mais aussi parce que c’est quelqu’un de bien, qui restera à votre écoute et qui
saura vous conseiller au mieux de vos intérêts. Je termine en vous donnant ses
coordonnées, ci-après. Vous pouvez le contacter de ma part, promis, vous serez
très bien reçu. Un dernier détail, prenez contact par e-mail pour commencer,
Mickaël est un homme très pris et son planning est bien chargé.
LBV
AVOCAT
Mickaël
Le Borloch
15
rue de Crosne
76000
Rouen
Tél.
: +33 (0)9 54 00 22 16
Fax
: +33 (0)9 57 13 82 97
E-mail :
mleborloch@avocat-lbv.com
Site
internet : https://avocat-lbv.com/
Bonne
fin de journée !
Amitiés
littéraires.