Oui, à l’impossible
nul n’est tenu et pour une fois, j’ai envie de changer de casquette !
Alors, si j’étais directeur éditorial, comment pourrais-je m’y prendre pour
accepter un manuscrit, dénicher de nouveaux talents ou concrétiser le rêve d’un
jeune auteur ? Vaste question, n’est-ce pas ? Pourtant, mon
expérience si modeste soit-elle, me souffle quelques idées, sans doute fausses,
mais tant pis ! L’imaginaire n’est-il pas l’univers qui appartient aux
auteurs ?
■ Dans ma vie de tous les jours
Je m’appuierais
nécessairement sur un site internet de qualité avec des prérogatives précises d’envoi
des projets. Eh oui ! Je serais même exigeant sur la typo et demanderais
non seulement le manuscrit complet, mais aussi un synopsis limité en longueur,
une lettre d’accompagnement avec la bio et, le cas échéant, la bibliographie de
l’auteur.
Je serais
attentif au courrier et je crois que ce serait le synopsis qui serait
déterminant pour aller plus loin. Un auteur qui a écrit un récit doit pouvoir
le résumer fidèlement d’un bout à l’autre, sans rien oublier, et surtout, en suscitant
l’envie d’en savoir plus. (ndla : Oui,
vous pouvez rire, mais j’ai parfois passé une semaine à travailler un synopsis !).
En accrochant au
synopsis, j’aimerais en savoir plus et je pourrais alors parcourir la bio et l’éventuelle
bibliographie d’un auteur déjà édité. Comme tout le monde se connaît, quelques
coups de téléphone dans mon réseau ou auprès de mes collègues éditeurs, me
permettraient d’en savoir plus sur lui.
Après ces simples
préalables, j’attraperais le manuscrit, je débrancherais tous mes téléphones,
je demanderais à ma secrétaire que l’on ne me dérange pas, je fermerais la
fenêtre... Bref, je m’isolerais pour être bien concentré.
J’attaquerais ma
lecture. Je ferais attention à l’orthographe, le vocabulaire, le style, oui,
bien sûr... Mais avant tous ces critères prédominants pour retenir un projet, j’aimerais
que l’histoire m’embarque, qu’elle me fasse oublier mon job et que je sois
séduit. Je voudrais ne pas voir le temps passer, à en oublier que derrière, j’ai
187 autres projets qui m’attendent, 5 réunions, 10 rendez-vous, etc.
Bien entendu, ce
serait le cas de ce manuscrit. Je n’aurais pas regardé ma montre, encore moins
soupiré et vraiment accroché à l’intrigue, je le fermerais à regret après les
premiers chapitres. Cerise sur le gâteau, son récit collerait parfaitement avec
la ligne éditoriale maison.
Eh non, je ne m’arrêterais
pas là.
Je ferais appel
à mon réseau de blogs littéraires, car bien sûr, je connais des blogueuses
depuis longtemps, je leur fais confiance et en règle générale, un auteur qui
passerait ces premiers barrages n’en serait pas à son coup d’essai et devrait
être au moins un peu connu.
Sur la toile, je
ne me fierais pas aux bonnes ou mauvaises chroniques, mais vérifierais tout
simplement que l’on parle de mon candidat sur les blogs, sur Amazon et les autres
plates-formes.
La deuxième
phase serait de voir sa présence personnelle sur la toile. Alors que fait-il
hormis écrire ? Est-il investi ou pas sur Internet ? Blog d’auteur,
Facebook et Twitter me semblent un strict minimum. Un auteur qui se contenterait
de signer un contrat, ne m’intéresserait pas. Aujourd’hui, la promotion d’un
livre passe autant par le service marketing de l’éditeur que par la
communication de son auteur.
C’est bien, mon
futur poulain a déjà été publié, il est chroniqué et possède tout l’arsenal de
promotion personnelle. Dans ce cas, il ne resterait plus qu’à lire intégralement
son manuscrit moi-même ou à le confier au comité de lecture maison avec mon
avis favorable bien souligné.
Voilà, tout est
bon ! Le projet et son auteur ont passé toutes les épreuves haut la main
et il n’y aurait plus qu’un détail à vérifier en l’appelant pour lui poser la
question fatidique.
─ Votre projet m’intéresse, mais seriez-vous
prêt à le retravailler, à le revoir pour en modifier certains passages ?
Il ne le saurait
pas, mais à cet instant, il jouerait son contrat sur sa réponse. En effet, je
ne pourrais pas travailler avec un auteur qui penserait tout savoir, qui n’accepterait
pas de se remettre en question ou encore de suivre les conseils de sa maison d’édition.
Dans une situation idéale, il accepterait et je n’aurais plus qu’à passer au
projet suivant.
■ Et dans une autre vie ?
Oui, pendant que
l’on est dans le monde de la fiction totale, pourquoi ne pas imaginer une autre
façon de faire, une autre approche ? Je suis toujours directeur éditorial
et mon quotidien, c’est celui que j’évoquais au chapitre précédent.
Cette fois, j’ai
affaire à un drôle de zigoto. Cela a commencé sur les réseaux sociaux, par des
contacts simples, souvent surprenants, parfois avec humour et toujours courtois.
Oserais-je dire que cet auteur me harcèle ? Non, le mot serait déplacé. Il
essaie de ne pas s’imposer tout en forçant ma porte et le bougre finit par
réussir. Je lui accorde un rendez-vous, poussé par une curiosité bien légitime
comme par son aplomb inhabituel.
Il vient
soutenir son projet, face-à-face, dans mon bureau et se vend bien. J’ai bien
accroché avec le synopsis et il croit vraiment au potentiel de son manuscrit.
Ça me change des envois impersonnels et des relations à distance, toujours plus
délicates à cerner. J’ai rencontré l’auteur, je l’ai écouté, il m’a entendu et
nous sommes en symbiose sur de nombreux points éditoriaux. J’ai apprécié son
culot, il adhère totalement à la ligne de ma maison. Si le manuscrit tenait les
promesses faites par l’auteur, pourquoi ne le signerais-je pas ?
Oui, si j’étais
directeur éditorial, je pense que j’aimerais beaucoup cette prise de contact.
■ En conclusion
Non, je ne suis
pas directeur éditorial et je n’ai certainement pas cette prétention. De temps
en temps, cela fait du bien de rêver et d’exprimer ses envies ou ses attentes,
n’est-ce pas ? Alors, je me suis laissé aller à imaginer les conséquences
ou les retombées d’une approche différente. Et pour conclure mon délire, eh
bien pourquoi pas en latin, tiens...
Intelligenti
pauca.
(ndla : autrement dit, à qui sait comprendre, peu de
mots suffisent)
Excellente journée !
Amitiés
littéraires.