Je parle très peu de mon métier, de mon parcours, de ses difficultés, des choix à faire, de la stratégie qu’il faut élaborer pour grimper les marches, les unes après les autres. Je reste discret sur les portes claquées au nez, comment ne pas chuter, les craintes, les angoisses et les trop rares instants de bonheur qui valent tout l’or du monde… Après ces dix années, je regarde en arrière, sans quitter des yeux les montagnes qui restent à franchir. C’est comme le besoin de faire un point pour mieux avancer ou les états d’âmes d’un auteur qui sait où il veut aller.
■ Faire de l’écriture un métier ? Oui, mais…
C’était en 2010, j’étais hésitant, je ne croyais pas en moi, malgré tout ce que me disait mon entourage. Je me suis donné un an pendant lequel j’ai couru les concours littéraires. J’avais fait un pari avec moi-même. Si je parvenais à me classer sur plus de la moitié de ces concours, je me lancerais. J’ai réussi et j’ai tenté ma chance… en me prenant un premier mur en pleine face !
■ La poésie, un rêve perdu
Eh oui, je suis poète à la base et je croyais que mes écrits me feraient vivre. Vous pouvez rire ! Je n’ai pas réussi et la déception a été à la hauteur de mes attentes. Après quelques dizaines de recueils vendus sur une année, je devais changer de genre. Et pourtant, j’ai remporté des prix assez prestigieux dans ce domaine, mais dans sa grande majorité, le public ne lit plus les poètes. Quant à moi, il fallait bien que je mange et que je paie mon loyer…
■ L’érotisme comme tremplin pour l’avenir
Fut un temps où l’érotisme avait le vent en poupe. Rappelez-vous ! C’était l’époque de fifty shades of Grey, le meilleur des navets dans le genre. J’ai donc accroché mon petit wagon au train et je me suis démarqué en prenant d’autres options. Je l’assume complètement, l’érotisme m’a fait connaître et je ne regrette rien. Cependant, à ce moment-là, j’avais déjà ma stratégie en tête.
■ Pourquoi avoir une stratégie dans un métier passion ?
Parce qu’on ne vit pas d’une passion, au même titre qu’on ne devient pas auteur en écrivant un texte. Ça peut vous sembler paradoxal, mais c’est la stricte vérité. Dans la vie, il faut savoir ce que l’on veut, où on veut arriver, par quels moyens y parvenir et comment ne jamais se trahir. Un vaste programme que j’ai tenu à bout de bras ces dix dernières années et auquel je ne déroge pas.
■ Objectif, le roman noir, les polars et les thrillers
Si je m’amusais en écrivant de l’érotisme, ne pensez pas que le roman noir est arrivé tout de suite. Oh, que non ! J’ai dû apprendre les techniques d’écriture auprès de l’éditrice qui m’a lancé. Et ce qui était bon dans une nouvelle érotique, l’était aussi pour tous les autres genres. Écrire impose une technique à maîtriser si vous voulez satisfaire vos lecteurs. C’est ainsi et personne n’y coupe ! Donc, j’ai dû apprendre tout en faisant mes premières armes. Idem, il ne suffit pas de rédiger des histoires… il faut aussi les vendre, en assurer la promotion, en parler, animer un blog officiel et les réseaux sociaux, gérer les Services Presse… avec tout au bout, la cible finale, le roman noir.
■ Humilité, patience, goût du risque, les sacrifices… la liste est longue !
Tout cela ne se fait pas sans mal ! Il faut savoir ronger son frein, apprendre tout en laissant libre cours à son imagination, progresser en respectant les limites des codes du genre choisi sans brider sa créativité. Je vous le dis, c’est un exercice difficile qui demande énormément de temps et une remise en question permanente. Au bout, il y a le Graal, autrement dit, à l’horizon, même s’il semble souvent s’éloigner, il y a le roman noir.
■ Les premiers vrais romans du genre
Comment oublier ? Le tout premier, c’était « Il ne fallait pas faire pleurer le loup ». Il était mal écrit, avec des fautes et des incohérences, peu diffusé. Je n’avais pas eu le choix du titre ni de la couverture. Bref, un demi-échec ou un demi succès, comme vous voudrez. Mais pour moi, à cette époque, c’était un réel aboutissement. J’étais bien naïf et je ne savais pas encore tout le chemin qui me restait à parcourir. Depuis, ce roman est ressorti sous le titre « Terre des Loups », aux Éditions du 38 et après une réécriture complète.
■ La valse des éditeurs ou la réalité du marché
À mes débuts, je pensais rejoindre l’écurie d’une maison d’édition et ne plus en bouger. Pour moi, c’était un principe de vie que j’affiche d’ailleurs encore aujourd’hui : Semper Fidelis. Sauf que dans le monde littéraire, ça ne fonctionne pas comme ça, du moins, pas pour un auteur en devenir. Alors, on se disperse, on envoie des manuscrits un peu partout… on signe n’importe quoi et le pire, c’est qu’on est content d’avoir signé. Sans expérience, on ne connaît pas les pièges, on ne sait pas tout. En attendant, être édité à compte d’éditeur restait ma seule priorité. Et comme j’ai bien fait !
■ Les bons éditeurs
Appelez ça de la chance ou comme vous l’entendrez, en attendant, j’ai pu signer chez de grandes maisons ou de moins grandes et même des petites. Mais derrière les logos, il y a eu des gens formidables auprès de qui j’ai tout appris et grâce auxquels j’en suis là, aujourd’hui. Harlequin avec la collection HQN, HarperCollins, groupe Hachette… et d’autres. Ça m’a permis d’avancer et dé découvrir aussi les différentes manières de travailler, le milieu éditorial, etc.
■ Les éditeurs qui m’ont marqué
En premier lieu, la collection HQN, appartenant à Harlequin devenu HarperCollins. J’ai débuté et tout appris dans cette maison avec l’érotisme. Puis il y a eu Nelson District où j’ai écrit mes deux premiers vrais polars, Meurtres à Château-Arnoux et À quatre doses de la mort. Au-delà des sociétés, je n’oublie pas Karine et Sophie pour les premiers, puis Dominique pour la seconde. Ces trois femmes ont marqué ma carrière d’auteur et je ne les oublierai jamais. Je leur dois beaucoup plus que des remerciements.
■ Et il y a eu les Éditions du 38
C’était en 2016 et la rencontre avec Anita Berchenko, éditrice et directrice de cette maison, a définitivement marqué ma carrière en y apportant non seulement les fondations solides que j’espérais, mais surtout un professionnalisme doublé d’un vrai sens de l’humain. C’est ici que je me suis épanoui et que j’ai pu enfin laissé libre cours à mon imagination, à mes projets, pour devenir un véritable auteur.
■ Une stratégie peut en cacher une autre
Après avoir mis le pied dans le monde du roman noir et l’abandon des autres genres, j’ai réfléchi afin de mettre au point une seconde stratégie. Eh oui ! S’il faut savoir lancer une carrière, il faut surtout apprendre à la gérer. Par conséquent, depuis 2019, j’ai tout fait pour réunir mes romans princiaux chez les Éditions du 38. Aujourd’hui, il ne reste que HarperCollins avec les nouvelles érotiques et tous mes autres textes sont rassemblés au 38. De fait et après de nombreuses années, je suis (presque) arrivé à ce que je voulais à mes débuts.
■ Le chemin parcouru
Vous ne saurez jamais le nombre de portes que j’ai prises dans le nez, les échecs, les retards, les désillusions et tous les pièges qui auront jalonné le chemin si difficile de l’écriture ! Quand je me retourne, quand je regarde les épreuves traversées, ce que j’ai dû accomplir pour arriver là où j’en suis aujourd’hui, je frissonne et me demande comment j’ai pu affronter tout ça. Cependant, je dois m’estimer heureux et je le suis. Regardez l’image qui illustre ce billet, elle est très symbolique. Non, ne pensez pas que je me délivre un auto-satisfecit rempli de fatuité et de trop d’indulgence. Bien au contraire ! J’ai juste le plaisir d’avoir accompli ce que je m’étais fixé comme premier objectif.
■ Le chemin qui reste à parcourir et les montagnes à gravir
Ces dix dernières années représentent un sacré bout de chemin et un col vertigineux aujourd’hui atteint, mais si je regarde l’avenir devant moi, eh bien, je n’ai pas fini ! Loin s’en faut. J’ai écrit des polars et des thrillers, quelques historiques, c’est très bien. La série des Gerfaut est un réel succès, quelques one shots ont trouvé leur lectorat et d’aucuns pourraient dire que j’ai « réussi ». Eh bien, non ! Je ne parle pas de réussite, pas du tout même. Quand je vois ce qui me reste à faire, je n’ai plus qu’à me retrousser les manches et poursuivre mes efforts.
■ L’heure de la troisième stratégie a sonné
Eh oui, j’en encore beaucoup à faire et d’autres objectifs à atteindre. Des exemples ? Je ne suis pas encore publié en poche, j’aimerais voir un de mes titres être adapté au petit écran, signer un one shot dont on parlerait un peu partout… des rêves, me diriez-vous ? Oui, vous auriez raison. Mais avec le temps, j’ai appris qu’on pouvait se battre pour les réaliser, quitte à y passer des années et subir les pires échecs. À l’impossible, nul n’est tenu.
■ Le prochain combat, la notoriété
C’est mon prochain axe de développement et il est très important. Tant pis, si je dois investir les dix années qui viennent pour atteindre ce but, mais c’est ce qui me fait défaut. Oui, j’ai des dizaines de milliers de lecteurs, j’en suis très heureux et vraiment honoré. Encore faut-il conquérir les autres, se faire connaître et asseoir une carrière dans la stabilité. Je travaille avec une maison d’édition géniale, je suis soutenu par mon éditrice et je sais que cet objectif est primordial. Dans ce métier, tout n’est que patience !
■ Alors, de la notoriété et c’est tout ?
Bien sûr que non ! J’ai encore beaucoup à apprendre, des progrès à faire et je sais me remettre en question. Les prochaines années apporteront moins de publications, car il n’y aura plus de reprises. À ce jour, tous mes textes principaux sont revenu sous la bannière des Éditions du 38. Je ne vous cache pas que ce travail de réécriture, pendant ces dernières années, m’a vraiment épuisé et je suis soulagé d’en avoir vu la fin. Ainsi, je pourrai mieux me consacrer à chaque nouveauté, y passer plus de temps pour que vous ayez plus de plaisir de lecture.
■ Et tout ça, à quel prix ?
Je paierai le prix qu’il faudra, mais sans me trahir ni oublier mes principes. Depuis mes débuts, j’ai appliqué une règle : un auteur n’existe pas sans lecteur. Ne pas en avoir conscience, c’est se tirer une balle dans le pied. Le respect dû au lecteur devrait être le premier souci des écrivains, quels que soient les genres dans lesquels ils écrivent. Sans citer de noms, je peux vous dire qu’ils sont nombreux ceux qui caracolent en tête des ventes et qui n’en ont plus rien à faire de leur lectorat. C’est triste, mais c’est comme ça. Mais ça, justement, je le refuse en bloc. Je veux rester proche de mes lecteurs, pouvoir discuter avec eux et entretenir ce lien privilégié qui m’est si précieux. Donc, continuer à progresser, poursuivre mon apprentissage, me développer, m’améliorer… oui ! Mais pas au prix de me trahir ni de tourner le dos à mes lecteurs.
■ Derrière l’auteur, il y a l’homme et dans son ombre, cherchez la femme
Eh oui ! Dans toute cette aventure, il y a une pièce maîtresse, une sorte de clé de voûte ou le pilier central, sans qui, rien ne serait possible. Sans elle, je n’y arriverai pas, car elle est tour à tour, mon inspiration, mon garde-fou et le fouet dont j’ai parfois besoin. Elle connaît mes faiblesse encore mieux que ma force, mes défauts comme mes instants de trouble. Elle a toujours été là et sans elle, vous ne pourriez pas lire mes écrits. Elle, c’est ma femme. C’est Caroline… alors, merci à toi pour ton soutien et pour me permettre de vivre ma passion.
■ Conclusion
Après ces dix premières années, je pense que les dix suivantes seront du même acabit ! Je vais devoir travailler et gagner en notoriété. J’ai encore mille choses à faire et je les ferai. Je sais aussi que je vais encore me ramasser, subir d’autres déconvenues, mais c’est l’attrait principal de ce métier. Au moins, je ne m’ennuie pas ! Et à vrai dire, à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, n’est-ce pas ? En résumé, j’ai grimpé mon premier sommet et il y en a encore quelques-uns à gravir. Ils sont beaucoup plus hauts, plus dangereux, plus piégeux… mais que serait une vie sans danger ?
Enfin, je te remercie, toi, la lectrice ou le lecteur qui me suis depuis mes débuts. On a parcouru ensemble cette longue route et celle à venir est loin d’être terminée. Tu reviendras ici pour découvrir mes actualités, tu liras mes livres et on en parlera comme de vieux amis, avec cette belle complicité qui unit l’auteur à son lecteur. Quant à moi, je continuerai à t’écouter et à discuter avec toi, parce que c’est ça, ma plus belle récompense, celle qui est mon moteur pour continuer à écrire. Alors, oui, un très grand merci.
Excellente journée à toute et tous !
Amitiés littéraires.