Je n’en parle
pas beaucoup, mais la phase avant écriture est aussi importante que les
relectures et les corrections a posteriori. C’est le moment de mettre sur le
papier (ou sur l’écran) les idées qui
deviendront l’épine dorsale de votre texte. Mais cela ne doit pas se cantonner
à quelques détails griffonnés à la va-vite ! Il faut s’organiser en
s’imposant une méthode personnelle et la plus efficace possible. Celle qui suit
est la mienne et ce n’est pas la meilleure ou la plus efficiente. C’est tout
simplement en travaillant ainsi que je me sens le plus à l’aise.
► Je commence
par rédiger un storyboard, une sorte de synopsis générique qui recense tous les
événements principaux de l’intrigue. Un fil conducteur qui permet de
matérialiser l’idée première et favorise ainsi la détection des premiers
non-sens. Cela induit aussi la création des personnages secondaires auxquels on
ne pense pas nécessairement tout de suite.
► Ensuite, je
lance une petite étape rapide mais importante tant pour la géolocalisation que
pour l’accessoire. Je récolte toutes les cartes géographiques, les plans de
villes, tout ce qui concerne les déplacements et le transport. Horaires et
numéros de vol des avions, noms des routes tout en vérifiant la conformité temporelle
avec la période du récit. Idem pour les véhicules, pour les armes ou encore pour
une banale recette de cuisine !
► Je choisis ensuite
soigneusement les noms de mes personnages et rédige pour chacun un curriculum
vitae le plus complet possible. De la date de naissance aux traits de caractère
en passant par les langues parlées ou le véhicule habituel, ils ont tous droit
à leur fiche. Je fais toujours très attention aux patronymes. C’est le premier
contact concret avec le lecteur et, consciemment ou non, nous attachons un
caractère ou une typologie morale, voire physique, en fonction d’un prénom. Le
plus difficile demeure les noms et prénoms des personnages étrangers. Par
exemple, pour un patronyme afghan ayant la bonne musicalité dans mon intrigue,
il m’a fallu quelques heures de recherche pour le rendre probant.
► Vient le
moment de ce que j’appelle la timeline. Une simple ligne graduée que je crée et
sur laquelle viennent se greffer toutes les actions au travers des dates et
même parfois des heures de survenance. C’est tout simplement le meilleur moyen
de ne pas faire d’anachronisme ou d’erreur dans la narration.
► Je passe
ensuite à la collecte ou la vérification des informations utiles. On a beau connaître
un lieu, des faits, il faut toujours se méfier de sa mémoire. Par exemple, je
n’ai pas remis les pieds à Sanaa (Yémen) depuis 1986. Aujourd’hui, cela a
nécessairement évolué et il faut en tenir compte si l’on veut que la fiction
s’inscrive dans une réalité contemporaine. Cela apporte de la crédibilité à
votre roman.
► Après tout
cela, j’attaque le découpage des chapitres pour y glisser la ou les actions qui
s’y dérouleront. C’est rédigé dans un style télégraphique peu orthodoxe afin d’établir
la ligne directrice du roman, beaucoup plus précise que le premier jet supra. C’est
un passage obligé pour faire de votre roman un véritable page-turner. Autrement dit, un livre que l’on ne peut refermer
avant de l’avoir fini, la fin d’un chapitre rendant nécessaire de lire le
suivant avec une phrase-choc qui entretient ou relance l’intrigue dans l’esprit
du lecteur.
Concernant la
longueur des chapitres, je me suis fabriqué un tableau Excel avec lequel je
note, en phase d’écriture, les nombres et moyennes de pages, de mots, de
caractères, etc. C’est un tableau de bord qui me permet de garder un œil sur le
travail produit et de respecter les impératifs techniques. Si votre éditeur
vous commande un roman de cent mille mots maximum, ne partez surtout pas au
hasard, l’échec serait garanti et cuisant.
► Je réserve
toujours un soin particulier au prologue et à l’épilogue d’un récit. Le premier
me sert de lancement à l’intrigue, à mots cachés, pour révéler un détail
essentiel que le lecteur découvrira ou comprendra, après plusieurs chapitres
seulement. Le second, je le réserve le plus souvent à la gifle finale, l’événement inattendu qui va remettre en question la
vérité établie dans le dernier chapitre ou, au contraire, la souligner mais toujours
avec une action surprenante et inattendue. Ce sont de sacrés outils à utiliser
très sérieusement et qui méritent une longue réflexion.
► À ce stade, je
commence l’écriture en elle-même et quelque part, il n’y a aucune place au
hasard ou à la chance. Tout est construit et préétabli sur mes notes et dans ma
tête. Il est évident qu’à cet instant, j’ai l’esprit en effervescence complète,
avec la hâte de concrétiser le récit proprement dit. Ainsi, je ne perds plus de
temps à chercher une info ou à me demander si X a pu rencontrer Y à tel endroit,
comment s’appelle l’aéroport ou tel personnage, etc.
► Le titre est
le point final de la fiction. Il peut survenir comme une évidence avant même la
rédaction du synopsis allégé ou longtemps après la fin, voire après la phase
relecture et corrections. Il n’y a aucune règle. Et bien souvent, vous verrez
que vos éditeurs ont leur propre idée et qu’ils développeront des trésors de
patience pour vous convaincre d’en changer.
Voilà, tout ce
qui peut se passer avant la rédaction d’un roman ou d’une nouvelle. Pour cette
dernière, quelques phases sont différentes, ne serait-ce que l’absence de chapitres.
Sinon, c’est le même travail de fond. Enfin, si votre expérience personnelle
est le meilleur des appuis, ne vous reposez pas uniquement sur celle-ci. Elle
doit simplement rester une bonne base de départ dont il faudra vérifier ou actualiser chaque
information.
Si vous pensez
qu’écrire, c’est s’asseoir devant son ordinateur et lancer quelques jolies
phrases sur une feuille vierge à l’aide de Word, vous faites une très lourde
erreur. Vous n’iriez pas bien loin, vous seriez vite dans le doute et
finalement votre récit risquerait de déplaire.
Les vrais
éditeurs sont de redoutables professionnels et ceux qui lisent vos manuscrits
traqueront sans pitié toutes vos erreurs. Comme quoi, il n’y a pas que l’orthographe
ou un bon vocabulaire pour bien ficeler un texte ! L’éditeur vous sera gré
de ne pas raconter d’âneries et vous pardonnera bien volontiers un subjonctif
passé hasardeux ou encore l’oubli d’un pluriel, mais une invraisemblance ne
pourra jamais trouver grâce à ses yeux.
Et tout cela
pour vous dire que je suis en plein dedans. Le prochain roman va bientôt passer
en phase d’écriture...
Excellente journée,
Amitiés
littéraires.